mardi 15 novembre 2011

Une terrible beauté est née


En me promenant dans la blogosphère, je tombe sur une demoiselle qui parle d'un concours de nouvelles et qui réveille en moi une douleur de couteau dans la plaie remué, tu vois le genre. Moi aussi j'avais écrit un petit texte pour le concours de nouvelles Biennale de Lyon / Télér*ma, et bêtement j'ai laissé passer la date limite d'envoi !
D'habitude, je n'aime pas trop afficher mes écrivaillures ici, mais ce textounet est court, alors je te le propose.
Il est court, et pour cause, la consigne était : sujet "une terrible beauté est née" et taille du texte 2011 caractères.
Ça fera de la lecture pour ceux qui me reprochent de ne pas assez écrire ici...

- Je vois sa tête, continuez à pousser ! Poussez, poussez ! La voilà !
Je jette un coup d’œil à la pendule murale. Il n’y a que moi pour pondre un 1er janvier à 0h11 ! Une année d’impôts avec demi-part supplémentaire perdue !
- Une vraie beauté ! a dit la sage-femme, qui était un homme. 
- Voulez-vous que je vous appelle maïeuticien ? lui avais-je demandé lors de la première consultation. 
- Comme vous voulez, ça m’est égal, avait-il répondu en secouant ses lunettes rouges.
Une vraie beauté, ce paquet rougeaud, sanguinolent et couinant ?
Ils ont posé la chose sur mon torse et ils sont tous sortis de la salle. Je me suis soudain sentie très mal à l’aise. Que vais-je faire ainsi clouée sur la table d’accouchement avec ma progéniture en équilibre instable sur le thorax ? Je ne sens plus mes jambes (la péridurale) mais je commence à ressentir une ankylose douloureuse dans les fesses. Alors je n’ose pas bouger.
Je papillonne des paupières, quand une pensée me réveille en sursaut. Il va falloir que la chose mange… Mais il n’est pas question que je la laisse téter ! Pour moi les seins sont des objets sexuels, des zones érogènes, pas question que je les mette dans la bouche d’un bébé ! Je trouverais ça obscène, incestueux ! Mais va expliquer ça à une équipe soignante obnubilée par l’allaitement maternel…
Je suis en larmes. Le sage-homme dit : 
- C’est pas grave, c’est les hormones. Vous verrez demain, après une bonne nuit de sommeil ça ira beaucoup mieux !
C’est demain, et ça ne va pas mieux. La chose pleure, crie, je me sens obligée d’aller la prendre dans son berceau. Je me sens idiote avec ce bébé dans les mains. C’est si petit, si moche, avec ses petits poings serrés de rage et cette bouche hurlante sans dents. Je le tiens à bout de bras. La tiens, puisque c’est une fille.
Une terrible beauté est née. Ce qui est terrible, c’est l’envie que j’ai de la poser là, dans le couffin en plastique de l’hôpital où elle me fait penser à un poulet plumé dans sa barquette, et de m’enfuir à toutes jambes.

Tu peux compter ! 2011 caractères ! J'aurais dû poster ce texte le 11/11/11 à 11:11, j'ai manqué d'à-propos...

13 commentaires:

  1. Bon, y a de l'espoir, le poulet a déjà échappé à la rôtissoire ;o)

    RépondreSupprimer
  2. Moi aussi je suis une terrible beauté née le jour de la sainte amour comme les histoires du vies peuvent être réglées avec un cynisme éblouissant ! Ma mère qui m'a accusée de tout et de pire n'a pas eu le courage de se barrer en courant, et moi je n'ai pas eu le courage de ne pas me débattre pour mourir sous les coups qu'on a fichu dans le ventre rond qui "m'abritait". Je paye encore la facture 4 nuits par mois, ce qui est mieux que 30 et je rêve parfois qu'au lieu de me manger la cervelle en y semant la mort elle m'est collée alors au congélo ou que l'homme qui ne voulait pas conduire la femme à la maternité, ne l'est effectivement pas fait. J'aurais pu être un ange, plus d'une fois, mais dieu était contre la volonté du faiseur d'ange, dieu n'a pas voulu de moi.
    L'amour ça ne se commande pas, c'est comme ça, je suis née pas aimable, j'ai fait des efforts incommensurables, des sacrifices, pour le devenir sans y réussir à trente quatre piges on souhaitait encore que je ne sois jamais née, pis quelques mois après j'ai su, qu'un autre garçon était né ailleurs, un aimé pour qui j'ai payé parce que j'ai eu le tort d'être née légitime. Ouais l'amour, ça vient ou pas, ça se commande pas mais on ne peut pas vivre sans, la belle affaire.
    Et les chiens ne font pas des chats... Je me suis toujours demandé si c'était pour ça que le faiseur d'ange n'a pas réussi dans son affaire. Dieu a préféré m'envoyer au diable. Le pire ce n'est pas de ne pas être aimé par ses bourreaux, le pire, c'est d'aimer d'un élan naturel sans pouvoir faire autrement des gens qui vous tuent de leurs mots, jusqu'à la rupture ultime, puisqu'il n'y avait plus que ce choix rompre ou mourir pour de vrais, vivre sans famille ou se suicider, lutter encore ou déclarer forfait... Ouais, aimer sa progéniture c'est pas naturel, mais de le savoir et de le comprendre ça soigne aucune plaie et ça rôtie l'âme sans rôtissoire, pas d'échappatoire.
    Je suis rangée en psychiatrie au rayon enfant de parents toxiques et du poison coule dans mes veines et la plume me dialyse.
    J'étale jamais ma vie mais là, tu vois, je me dis que c'est un contre poing d'enfant pas voulu, parce que l'enfant non plus on ne le comprend pas plus quand il s'arrache de "sa famille" lui qui n'y a jamais eu de place. Quand il se démène à se battre pour être simplement vivant et que personne ou presque ne comprend ce qu'il fait et pourquoi il fait autrement.

    RépondreSupprimer
  3. Ouch! Difficile de commenter à la suite de Sandrine. On sent bien que là, on n'est pas dans la fiction.
    Sinon les deux nouvelles sont bien, celle de la demoiselle et la tienne, terriblement belles.

    RépondreSupprimer
  4. Dans terrible il y a terreur. Ça doit être pour ça que ça file les foies.

    RépondreSupprimer
  5. maman??? C'est toi?

    Tu exagères de me reprocher de te reprocher de ne pas écrire, alors que moi-même...

    Bravo pour le texte, et aussi celui de madame B.

    RépondreSupprimer
  6. Walrus >> t'avais faim quand tu as lu ?

    Sandrine >> Ouh la la ! pauvre Sandrine ! je crois que j'ai réveillé un sentiment douloureux chez toi avec mon texte ! Je suis désolée :-(

    Zoé >> terriblement belles ? merci pour le compliment ;-)

    Berthoise >> la maikresse nous fait une petite leçon d'étymologie ? ;-)

    Ariana >> si si, j'ai bien entendu le ton de reproche... ;-p

    RépondreSupprimer
  7. je suis muette, parce que ce commentaire de Sandrine me fusille... l'amour!

    RépondreSupprimer
  8. Ben dis donc... j'sais pas quoi dire, surtout après le commentaire de Sandrine!

    RépondreSupprimer
  9. S'il faut fourrer le poul... Heu ! Non, rien... Je uis presque gêné ;o)
    Dis, il est bien ton texte, j'adhère à la chose (sans rire).

    RépondreSupprimer
  10. Ah comme j'aimerais être un sage-homme!
    Voilà qui est bien dommage, tu aurais gagné c'est sûr!
    (C'est une fiction hein? Parce que tu aimes les enfants?!! Enfin... c'est pas une obligation non plus.)

    RépondreSupprimer
  11. J'aime beaucoup.
    Surtout la fin qui m'arrache un grand sourire.

    Le coup du poulet plumé dans sa barquette, j'adore.

    :-D

    RépondreSupprimer
  12. ps : au cas où mes filles passeraient par là, et pour répondre aux interrogations de Pluplu : j'aime mes filles et je n'ai jamais pensé qu'elles ressemblaient à des poulets !

    RépondreSupprimer
  13. Même au début ?
    Ça me rappelle une histoire qu'on entendait sur les ondes dans ma jeunesse (c'est vous dire si ça date) : un petit garçon va voir sa petite soeur que ses parents ont "achetée" à la maternité (ben oui, j'ai dit que ça datait)
    - Oh, l'est tout chiffonné le bébé !
    - Oh, mais il voit pas clair !
    - Oh, il a pas de dents !
    - Oh, il a pas de cheveux !
    - J'crois qu'ils vous ont filé un vieux !

    RépondreSupprimer