En me promenant dans la blogosphère, je tombe sur
une demoiselle qui parle d'un concours de nouvelles et qui réveille en moi une douleur de couteau dans la plaie remué, tu vois le genre. Moi aussi j'avais écrit un petit texte pour le concours de nouvelles Biennale de Lyon / Télér*ma, et bêtement j'ai laissé passer la date limite d'envoi !
D'habitude, je n'aime pas trop afficher mes écrivaillures ici, mais ce textounet est court, alors je te le propose.
Il est court, et pour cause, la consigne était : sujet "une terrible beauté est née" et taille du texte 2011 caractères.
Ça fera de la lecture pour
ceux qui me reprochent de ne pas assez écrire ici...
- Je vois sa tête, continuez à pousser ! Poussez, poussez ! La voilà !
Je jette un coup d’œil à la pendule murale. Il n’y a que moi pour pondre un 1er janvier à 0h11 ! Une année d’impôts avec demi-part supplémentaire perdue !
- Une vraie beauté ! a dit la sage-femme, qui était un homme.
- Voulez-vous que je vous appelle maïeuticien ? lui avais-je demandé lors de la première consultation.
- Comme vous voulez, ça m’est égal, avait-il répondu en secouant ses lunettes rouges.
Une vraie beauté, ce paquet rougeaud, sanguinolent et couinant ?
Ils ont posé la chose sur mon torse et ils sont tous sortis de la salle. Je me suis soudain sentie très mal à l’aise. Que vais-je faire ainsi clouée sur la table d’accouchement avec ma progéniture en équilibre instable sur le thorax ? Je ne sens plus mes jambes (la péridurale) mais je commence à ressentir une ankylose douloureuse dans les fesses. Alors je n’ose pas bouger.
Je papillonne des paupières, quand une pensée me réveille en sursaut. Il va falloir que la chose mange… Mais il n’est pas question que je la laisse téter ! Pour moi les seins sont des objets sexuels, des zones érogènes, pas question que je les mette dans la bouche d’un bébé ! Je trouverais ça obscène, incestueux ! Mais va expliquer ça à une équipe soignante obnubilée par l’allaitement maternel…
Je suis en larmes. Le sage-homme dit :
- C’est pas grave, c’est les hormones. Vous verrez demain, après une bonne nuit de sommeil ça ira beaucoup mieux !
C’est demain, et ça ne va pas mieux. La chose pleure, crie, je me sens obligée d’aller la prendre dans son berceau. Je me sens idiote avec ce bébé dans les mains. C’est si petit, si moche, avec ses petits poings serrés de rage et cette bouche hurlante sans dents. Je le tiens à bout de bras. La tiens, puisque c’est une fille.
Une terrible beauté est née. Ce qui est terrible, c’est l’envie que j’ai de la poser là, dans le couffin en plastique de l’hôpital où elle me fait penser à un poulet plumé dans sa barquette, et de m’enfuir à toutes jambes.
Tu peux compter ! 2011 caractères ! J'aurais dû poster ce texte le 11/11/11 à 11:11, j'ai manqué d'à-propos...